Les chiffres ne nous disent pas tout

L’une des principales résultantes de la prise de pouvoir du Digital dans le marketing est l’accès à un volume sans précédent de chiffres.

Si les mathématiques et les nombres ont toujours fait partie du quotidien de tout marketeer qui se respecte, jamais nous n’avions eu autant d’outils et de data en main pour comprendre notre métier qu’à l’heure actuelle. Et pourtant: jamais les marques et leurs consommateurs n’ont semblé être si déconnectés et ne plus se comprendre.

Force est donc de constater que, entre collecter les chiffres et les utiliser à bon escient, il existe un vrai écart à combler. Et il semblerait que les data, les rapports statistiques et les analyses qui remplissent à longueur de journée nos boites mails ne nous disent pas tout.

Numbers don’t lie…right?

Au même titre que les marketeers, le sport US raffole de chiffres et de stats en tous genres. Que ce soit le base-ball,  le Foot US, ou la NBA,  les stats occupent une place centrale dans la manière dont les Américains consomment et parlent de leur(s) sport(s). Avec comme conséquence que les analystes et statisticiens en tout genre sont des profils extrêmement prisés, que ce soit du côté des medias ou des équipes elles-mêmes bien évidemment,  la NBA employant à ce jour plus de 100 data analysts et experts en advanced stats.

Toutefois, malgré l’afflux d’informations, la qualité des analyses et analystes, et le temps et l’énergie investie à disséquer et utiliser toutes ces infos, certaines choses restent du domaine de l’indéchiffrable. Comme par exemple: mesurer l’efficacité défensive d’une équipe NBA.

L’incongruité du cas Ben Simmons

Comme tout sport d’équipe, le basket-ball se divise en 2 phases: l’attaque et la défense. Et, bien que l’accent soit souvent mis sur les scores et les points marqués, les experts NBA s’accordent pour dire qu’une bonne défense est la condition sine qua non pour avoir une chance de survire aux play-offs, où le rythme des matches se ralentit et où chaque possession de balle décider du sort d’une équipe. D’ailleurs, un des dictions les plus populaires en NBA nous dit que “Offense wins games. Defense wins championships”.  

Mais malgré l’importance et la place qu’occupe la défense, et malgré le volume  de data et la qualité des analyses statistiques, comprendre et de modéliser l’impact défensif des joueurs et des équipes relève de l’impossible.

Prenons l’exemple de Ben Simmons. 

Il fait partie des favoris pour être élu “Defensive Player of the Year” cette année.

Il a été sélectionné dans la “All NBA Defensive team” l’année dernière (=l’équipe rassemblant les meilleurs défenseurs de la ligue).

Et sa combinaison taille – puissance – vitesse fait de lui l’un des seuls (le seul?) joueurs capables de défendre aussi  bien sur les meneurs de petite taille que sur les pivots de plus de 2m10.

Et pourtant.

Quand on se plonge dans les chiffres qui mesurent l’impact défensif individuel des joueurs, et le modèle statistique d’ESPN, Ben Simmons n’est pas dans le top 10. Ni même dans le top 25. Ou le top 50. Il est, à l’heure actuelle, le…241ème “meilleur” défenseur de la ligue (en date du 4 mars 2021):

(source: http://www.espn.com/nba/statistics/rpm/_/sort/DRPM)

Micro vs Macro

Il est étonnant de constater qu’une ligue qui a fait de l’aspect chiffré et des data un rouage essentiel de son fonctionnement (je reviendrai dans un autre article sur la manière dont les datas ont révolutionné le jeu) soit malgré tout incapable de mesurer un élément ayant un tel impact sur ses résultats.

Un constat qui vaut également pour d’autres industries.

(vous me voyez venir?)

Des industries qui, de plus en plus, sont confrontées à une arrivée massive de chiffres provenant de différentes sources/plateformes.

(almost there)

Et qui s’appuient, parfois exclusivement, sur ces fameuses datas pour analyser et comprendre toute une série de dynamiques dans lesquelles elles se trouvent. 

(me voilà)

Je me souviendrai toujours de mon 1er deep-dive dans Google Analytics. Et de ce moment où un expert du marché en Performance & Data m’a confronté à ma mini-version du problème présenté plus haut. 

J’avais passé des heures à naviguer à travers toutes les options, tous les sous-menus, à tenter de faire des connexions entre tous ces chiffres. Pour arriver à des conclusions avec lesquelles je ne me sentais pas très à l’aise – mon gut feeling me disait: “Il y a quelque chose qui cloche”. 

La 1re chose que cet expert m’a demandé, c’est: “Est-ce que tu as regardé à quoi servait le site? Quel type de contenu s’y trouve? La logique de navigation et le parcours de l’utilisateur?”

Et ma réponse à chacune de ces questions était bien évidemment:

Le piège classique. À force d’être confronté quotidiennement aux chiffres, stats et données en tout genre, à force d’être plongé dans des rapports qui ne nous donnent qu’une partie des réponses (car les compagnies qui développent ces outils de mesure sont également celles qui nous vendent de l’espace media sur leur plateforme…), on en vient parfois à ne plus questionner ce qui se cache derrière.

À ne plus réfléchir au pourquoi d’une telle campagne, d’un tel message, d’un tel CTA.

Et à prendre ces données pour ce qu’elles valent: en apparence beaucoup, mais en réalité pas grand chose, sans une remise dans leur contexte.

J’ai alors fait la promesse solennelle qu’on ne m’y reprendrait plus. De toujours veiller à questionner, creuser et contextualiser les chiffres qu’on me présente.

Et d’accepter aussi que certaines choses, même si elles ne peuvent pas être mesurées, n’en sont pas moins essentielles.

 

Pourquoi innover est si compliqué?

Tester une nouvelle plateforme où aucun de nos concurrents n’est pour le moment présent. Innover. Aller à gauche, quand l’ensemble du marché va à droite. Embrasser le start-up mindset et le agile way of working.

Tous ces « buzzwords » et toutes ces questions animent les débats quotidiens de beaucoup d’agences et d’annonceurs. En Belgique plus particulièrement, un marché où les moyens pour tester des choses ne sont pas toujours ceux de nos voisins. Et où il aura fallu que nous soyons confrontés à une crise sans précédent dans l’histoire pour que l’adoption du Digital par le marché s’accélère.

 

Ricky Barry et le tir “underhand”

D’où nous vient cette résistance au changement? Pourquoi cette tendance à (vouloir) faire comme les autres ou “comme on a toujours fait”?

Ces questions, Rick Barry ne se les est jamais posées.

Sauf si vous êtes un suiveur assidu de la NBA, vous n’avez probablement jamais entendu parler de ce Monsieur au nom tout droit sorti de l’Amérique du Midwest. Derrière, se cache pourtant l’un des meilleurs joueurs de basket-ball de tous les temps

Au côté de noms plus ronflants tels que Magic Johnson, Kareem Abdul-Jabbar, Larry Bird ou, bien évidemment, MJ, il fait partie de ces joueurs qui ont dominé leur époque, marqué les esprits et remporté de nombreux trophées.

Toutefois, si il y a une chose pour laquelle le vrai fan de NBA connait Rick Barry (au-delà de sa réputation d’être le coéquipier le plus détestable de la terre entière), c’est ceci:

Rick Barry tirait ses lancers-francs “par-dessous”. Et il était plutôt bon dans l’exercice. Pour ne pas dire: tout simplement l’un des meilleurs tireurs de lancers-francs de tous les temps. En effet, pendant toute sa carrière pro, il n’a jamais eu un pourcentage de tir en-dessous des 88%. Mieux: plus les années passaient, plus il devenait meilleur dans l’exercice, finissant sa carrière à une moyenne de près de 94%

En d’autres mots: faire faute sur Rick était l’équivalent d’affronter Thanos – une sentence inévitable.

Le changement, c’est maintenant?

So what? Et bien, c’est là que tout cela devient intéressant (je l’espère – désolé pour l’attente): Rick Barry est le seul joueur dans l’histoire moderne de la ligue à avoir adopté cette technique de tir.

Malgré le fait que de nombreux joueurs et coachs de basket aient confirmé que tirer le sorte permettait un bien meilleur contrôle de la trajectoire du tir, et en faisait donc la technique idéale pour le lancer-franc.

Malgré le fait qu’une autre légende du basket US, Wilt Chamberlain, le seule homme à avoir inscrit 100 points en 1 match, ait lui-même vu sa moyenne au tir bondir après avoir adopté la même technique

Malgré les stats. Malgré tous les arguments rationnels, aucun autre joueur n’a fait pareil. Personne n’a jamais remis en cause, dans le monde du basket pro, le fait que tirer un lancer-franc, c’est comme ça:

Et pas comme ça:

Au grand désarroi de ce cher Rick .

Adopter en tant que marque une attitude d’entrepreneur

Une histoire qui démontre la force de l’habitude et l’importance du regard des autres, dans notre façon de travailler. Face à quelque chose qui nous apparaît comme nouveau, malgré tous les chiffres, statistiques et data disponibles, nous prenons souvent le parti de la non-action, par peur du ridicule ou par habitude.

Combien de fois n’avons-nous pas entendu parler de ces fameux “cases”, pour justifier ou rassurer sur l’efficacité et la pertinence d’un nouvel outil, d’une nouvelle plateforme ou d’un nouveau format? Combien de marques sont restées à quai, à force de fixer leurs concurrents dans le blanc des yeux et d’attendre que l’autre fasse le premier pas, “histoire de voir si ça marche”?

Et bien, pendant ce temps, certaines marques prennent une ou plusieurs longueurs d’avance. 

On parle beaucoup de Twitch en ce moment. Et, de manière plus générale, de la montée en puissance du eSport, et de comment s’y raccrocher, en tant que marque/annonceur. 

Pendant que certains se posent des questions, d’autres ont déjà pris le train en marche depuis longtemps: je pense notamment à cette brillante campagne de Wendy’s, qui a su ancrer de manière hyper-pertinente la marque dans l’univers des gamers. Et qui, depuis, continue sur la même lancée

Des campagnes qui, pour le coup (et cerise sur le gâteau), n’ont pas coûté grand-chose d’un point de vue production. Et où la prise de risque est calculée, pour ne pas dire minimale.

Y a plus qu’à 🤷